Isabel Dos Santos, l’ancienne présidente de la Sonangol accusée d’avoir « siphonné les caisses du pays »

Régulièrement citée parmi les plus grosses fortunes africaines, la fille de l’ancien chef d’État angolais est accusée par un collectif de journalistes internationaux d’avoir spolié une partie des richesses du pays. Une affaire qui met en lumière la nature souvent poreuse des relations entre le monde du business et de la politique sur le continent.

Pour la fille de José Eduardo dos Santos, qui dirigea l’Angola pendant 38 ans (1979-2017), le hasard du calendrier ne pouvait être plus malencontreux. Alors que son nom apparaît (de nouveau) dans le dernier classement Forbes des milliardaires africains, publié le 17 janvier, Isabel Dos Santos (2,2 milliards de dollars de fortune personnelle selon le magazine américain) est aujourd’hui accusée par une enquête internationale d’avoir « siphonné les caisses du pays (l’Angola, NDLR) ». Telle est en tous les cas la conclusion des recherches menées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ)1 – à l’origine notamment des Panama Papers, qui a rendu ses travaux publics dimanche 19 janvier. Des éléments que la principale intéressée, ex-présidente (2016-2017) de la société pétrolière publique Sonangol, qualifie de tissus de « mensonges », ces informations provenant d’après elle de « fuites des services secrets angolais, […] destinées à la discréditer ». De fait, la femme d’affaires angolaise a nié tout acte répréhensible dans une série de récents entretiens publics, qui semblent avoir été programmés pour paraître en même temps que les données dévoilées par l’ICIJ.

1 Le Consortium, composé de plus de 120 journalistes, issus notamment de la BBC, du New York Times et du Monde, indique avoir compulsé plus de 715 000 documents avant de publier ses conclusions.

Longtemps décrite avec complaisance par les médias internationaux comme une « self-made woman », celle qui est surnommée « la Princesse » en Angola, se voit désormais dépeinte comme l’architecte d’un véritable système « d’accaparement des richesses publiques », basé sur une « nébuleuse composée de 400 sociétés identifiées dans 41 pays », dont les plus anciennes auraient été établies dès 1992.

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Des allégations graves, qui font écho aux actions actuellement engagées par les justices angolaise et portugaise à l’encontre d’Isabel Dos Santos : les autorités judiciaires angolaises soupçonnent ainsi la fille de l’ancien chef d’État d’avoir détourné plus d’un milliard de dollars d’avoirs issus des entreprises publiques Sonangol (pétrole) et Endiama (diamant) pour financer ses opérations privées tandis qu’au Portugal, une enquête pour blanchiment d’argent public a été ouverte début janvier, la femme d’affaires détenant de multiples intérêts (BTP, banque, pétrole agroalimentaire…) dans plusieurs grands groupes du pays.

Le siège de la Sonangol, à Luanda. L’entreprise a été dirigée par Isabel Dos Santos entre juin 2016 et novembre 2017. Crédit photo : Martin Wolter

Isabel dos Santos avait été nommée à la tête de la Sonangol en novembre 2016, avant d’en être limogée un an plus tard par l’actuel président, João Lourenço. Dans la foulée, la nouvelle équipe dirigeante avait lancé un audit des comptes et signalé plusieurs transferts financiers suspects. Au-delà des supposées pratiques népotiques du clan Dos Santos, l’enquête de l’ICIJ révèle également le rôle souvent trouble joué par nombre de grandes firmes de conseil occidentales, telles que PwC et Boston Consulting Group. Des entreprises qui, selon le journal Le Monde, « ont joué un rôle crucial dans la facilitation des affaires d’Isabel Dos Santos en acceptant sans barguigner de mettre leur expertise au service de ses sociétés offshore ». En somme, un système qui, outre les personnalités aujourd’hui incriminées, a profité à tout un ensemble d’intermédiaires, aussi intéressés que complices.